Interview de Discobilly du 10/12/2008

Interview de Discobilly

 par Shangri-l

  

  • Interview réalisée le 10/12/2008
  • Dernières annotations le 10/08/2010

  

Discobilly fait parti de la deuxième vague d’artistes (c’est à dire post Panda Pixela) à rejoindre la sphère du Pixel Art Obscur. Il a imposé un style unique et inimitable à base de tracés épais, de techniques de remplissage complexes et de reliefs bien pensés. Il n’hésite pas à titiller la frontière séparant le Pixel Art Obscur du Pixel Art de part son sens de la mise en scène, ses idées ingénieuses et son humour décapant.
Entretien avec l’artiste le plus précoce du mouvement et déjà l’un des plus complets…

  

Comment as-tu connu le Pixel Art Obscur ? Qu’est-ce qui t’as poussé à t’y mettre ?
Tu pourrais le raconter à  ma place (*rires*). C’est Shangri-l qui m’a initié. Il m’avait présenté le site Panda Pixela, mais c’était à  une époque où il était inactif. Quand il a décider d’ouvrir une page PAO pour publier ses nouvelles oeuvres, j’ai décidé de m’y mettre.

  

A propos de ton style. C’est une rupture radicale avec ce que l’on pourrait appeler l’école classique du Pixel Art Obscur. Comment le définis-tu ? Est-ce simplement un mélange de tracés à  la brosse « point épais » et d’ombrages et de dégradés travaillés ?
Pour la deuxième question la réponse est oui. Rien de compliqué, j’affine et je découvre de nouvelles techniques à  chaque nouvelle création, j’utilise une palette de couleur complète, j’ai rapidement cédé au calque, je n’hésite pas à  refaire un trait qui ne me convient pas. Pour le style, je suis allé d’emblée au feeling, sans trop prendre en compte les « règles » d’un genre qui s’établit sur une parodie d’un autre genre que je ne connais absolument pas. J’ai pu constater un accueil assez froid des amateurs de Pixel Art conventionnel. Ils disent que je fais plutôt du MS Paint-Art, ils ont peut-être raison. C’est un peu comme si je prétendais faire du punk parodique en jouant un genre de métal, sans rien savoir ni de l’un ni de l’autre. De quoi se faire mal voir des deux écoles.

  

An eye for an eye, a loss for a loss est ta première oeuvre. D’où t’es venu l’inspiration pour ce sujet frappant ?
Fallait se lancer, j’ai fait la première chose qui me soit passé par la tête. L’utilisation des traits gras est venu spontanément.

  

Ane ânonnant aux âmes damnées dans un décor champêtre,  voilà  la première apparition d’un thème qui va devenir récurent dans ton œuvre : le règne animal. Sais-tu d’où te vient cette fibre animalière ?
Ça doit être enfantin. Quand j’étais môme, j’adorais dessiner des animaux. Y compris une bonne proportion de dinosaures.  Et puis mes peintures préférées sont des oeuvres animalières : ce sont celles de Lascaux. Mais ce dessin est celui que j’aime le moins. Avec des ombres, ça irait mieux. Et puis quel titre de merde. Je devrais la renommer « Hommage à  Boronali1, » ça lui donnerait un semblant de sens.

  

Elephantom met également en scène un animal, mais sous forme spectrale. D’où t’es venue l’association d’idée éléphant-Fantôme ?

Ben, un mot-valise.

  

Le thème de Dracula from outer space est original. D’où vient-il ?
Ouh-là , on est parti pour commenter les oeuvres une par une ? (*rires*) Là , ça vient de l’imagerie « pulp, » une culture populaire américaine un peu nostalgique, à  la fois geek et rock.

  

Homme maintenant un tyrannosaure à  distance respectable à  l’aide d’un briquet et d’une fourchette évoque Georges de La Tour2 avec ses jeux travaillés d’ombre et de lumière. Comment as-tu eu l’idée de cette mise en situation ?
Mon but était de représenter un homme, je n’en avais pas encore fait avant. Comme j’avais expérimenté les dégradés dans Dracula from outer space  j’ai voulu le refaire, et ça m’a amené à faire les ombres projetée par la flamme. Le double contour de l’ombre du personnage est accidentel, mais j’ai trouvé que ça rendait bien.

 

Pin-up n°1 n’a pas eu de suite. Pourquoi ?
Prévoir une reprise de la série au printemps prochain. Les hormones, tout ça…

 
Comment as-tu imaginé le personnage de Hubert de Hubert, le zombie affilié aux forces du bien, surveille une conversation entre la nièce de Chavez et le petit-fils de Khadafi ? Par ailleurs, c’est une oeuvre chargée politiquement. D’où t’es venue la volonté de te placer sur le terrain des oeuvres à  caractère politique ?
Je voulais un personnage de zombie (l’influence « pulp ») affilié au force du bien, avec un nom rigolo, et le montrer in-situ, dans son combat contre les forces du mal. J’ai personnifié ces forces du mal par des personnalités réelles pour ancrer le personnage de Hubert dans le réel. Parce que sinon, personne n’y croira, à  mes histoires de zombies… J’ai pris Khadafi et Chavez, mais qu’on ne s’y trompe pas : je ne suis pas sectaire et j’aurais très bien pu prendre Ahmadinejad et Castro. Hubert réapparaîtra peut-être plus tard.

Est-ce que je te demande si ta grand-mère fait du vélociraptor mélange le thème animal qui t’es cher avec l’imagerie d’un personnage chargé affectivement. Qu’est-ce qui t’as poussé à  faire référence à l’archétype d’un personnage familial, en l’occurrence la grand-mère, pour cette oeuvre ?
Encore un mot-valise. Je crois que l’idée m’ai venu alors que sur Internet un type en chambrait un autre sur son âge supposé. « T’as déjà  vu des dinosaures ? lol. » Je me suis dit qu’à  la place de l’autre, j’aurais répondu « Est-ce que je te demande si ta grand-mère fait du vélociraptor ? mdr » Frustré de n’avoir pu sortir ce bon mot, j’en ai fait un dessin. Dommage, je ne pourrais pas angliciser le titre, mais le dessin se défend bien. Je crois que c’est mon préféré.

Encore un coup du tueur à  la petite cuillère met en scène un personnage absent qui n’apparaît que par ses traces sur les lieux du crime. C’est un procédé courant des séries policières. Les séries policières t’ont-elle inspirées ? Si oui, lesquelles ?
Oh oui ! Les Experts, Les Experts : Manhattan et NCIS.

Escargot de combat est une mise en situation particulière reposant sur le thème d’un escargot-soldat. D’où t’es venue l’inspiration ? Est-ce que le chat-soldat de Soldat, Bien Plus Qu’Un Métier, Un Sacerdoce de Shangri-l est une de tes sources ?
Ben non. L’escargot soldat est une vieille idée qui me traîne dans la tête depuis longtemps. Le Pixel Art Obscur l’a fait sortir. Mais au final, il est assez différent de celui que j’avais dans la tête. Dans ma tête, il avait un débardeur. Mais va mettre un débardeur sur un escargot. Ça n’a pas de bras, un escargot !

Search and destroy, ta dernière oeuvre en date, est aussi la plus aboutie. Caméra subjective, pictogrammes, emprunts à  la symbologie des H.U.D., tu es allé loin avec cette oeuvre. Comment as-tu eu l’idée d’associer la vision « Terminator » à la chanson des Stooges ?
C’est ce que cette chanson m’évoque. Elle est antérieure de cinq ans à  l’imagerie de Mad Max et de dix à celle du cyberpunk, mais elle leur fait une excellente illustration sonore.

Comment vois-tu l’avenir du Pixel Art Obscur ? Quels sont tes projets futurs dans ce domaine ?
Pour ma part, continuer. Pour le PAO en général, je ne sais pas.

Tu as placé tes oeuvres sous licence Creative Commons qui autorise leur libre redistribution. Peux-tu nous éclairer sur tes motivations à faire ce choix ?
Pour diffuser des dessins aussi dérisoires dans le grand buzz généralisé, autant ne pas être contraignant sur leur diffusion et le dire explicitement. Mais je ne suis pas un militant du libre. Si quelqu’un veut me passer une commande sous copyright, pas de problème ! Si seulement quelqu’un veut (*rires*).
 
Quels artistes, dessinateurs, photographes, cinéastes ou autres t’influencent dans ton travail ?
En fait, je n’ai pas d’intérêt très poussés pour ces domaines d’expressions. Je m’inspire d’imageries qui me viennent de manière détourné, par le rock, notamment, par des réminiscences d’imageries que j’aimais quand j’étais jeune, celle de la science-fiction, des jeux-vidéos, des bédés du CDI, des Tout-l’Univers qui traînaient chez ma grand-mère, des livres sur les dinosaures. En bédé, je me limite à  Fluide Glacial, j’aime bien Mo/CDM3, je crois que mon style s’inspire pas mal du sien. Et aussi « Pascal Brutal » de Riad Sattouf. « Pascal Brutal », c’est « Astérix reloaded ». En ciné, j’ai des gouts de rocker, entre grands classiques américains et série B d’auteurs, mais je suis léger sur le sujet. En peinture, j’ai déjà parlé de Lascaux, mais je ne me suis pas beaucoup intéressé à ce qui s’est fait ensuite. En photographie, euh, John B. Root, mais je ne me suis pas beaucoup intéressé à ce qui s’est fait avant.

Et en matière de musique, quels sont tes groupes/tes artistes préférés ?
La liste est longue, très rock. Iggy Pop, The Stooges, Pixies, Velvet Underground, Giant Sand, Clash, PJ Harvey, Queen of the Stone Age… J’arrête le name-dropping, c’est gonflant. Bref, surtout de l’américain, rarement du contemporain.

Pour finir, qu’est-ce que tu écoutes en ce moment ?
MGMT, un gros buzz du moment que m’a soeur m’a prêté. C’est pas mal.

 

Propos recueillis par Shangri-l

 

 

Annotations :

  1. Boronali, alias Lolo, est un âne connu pour avoir peint la toile « Coucher de soleil sur l’Adriatique » un pinceau attaché à la queue.
  2. Peintre français (1593-1652).
  3. Auteur de la bande dessinée « Cosmik Roger » notamment.