Interview de Shangri-l du 17/12/2008

Interview de Shangri-l

par Le morse des mers

 

  • Interview réalisée le 17/12/2008
  • Dernières annotations le 27/05/2010

 

 

Shangri-l est sans conteste l’un des artistes les plus prolifiques dans l’univers du Pixel Art Obscur. Il est également le fondateur de ZC Virtual Underground Art Gallery (anciennement Zircanews), unique hébergeur d’œuvres Pixel Art Obscur avec Panda Pixela.

Rencontre avec un acteur clé du mouvement…

 

Comment as-tu découvert le Pixel Art Obscur ?

Je ne sais plus si c’est Le morse des mers ou Flure qui m’a parlé du site Panda Pixela. J’y suis allé, j’ai lu les tutoriaux, je me suis dit : « Je pourrais faire ça moi aussi ».

 

Pourquoi un tel engouement pour ce mouvement ?

Créer de nouvelles oeuvres est amusant et facile. De plus, le Pixel Art Obscur me permet de me prendre pour un artiste.

 

Ton style était très abstrait à tes débuts avec des colorisations complexes, des mises en scènes ésotériques et des références peu évidentes pour l’amateur lambda. Depuis Carotte, tes oeuvres sont plus accessibles, avec des remplissages simples et épurées d’effets techniques (pas de mise en relief, ni de dégradé, etc.). Comment expliques-tu ce changement radical ? Est-ce conscient ou ta vision a-t-elle changée entre les deux périodes au point que ton style actuelle soit devenu l’antithèse de celui de tes premiers pas ?

En fait, quand j’ai commencé dans le Pixel Art Obscur, j’expérimentais beaucoup. Puis j’ai finis par me trouver un style. On peut en voir les prémices dans certaines de mes premières oeuvres comme John Lennon, Été, Tassin. Je reconnais que je cède à une certaine facilité en recourant aux recettes que j’ai mises au point.

 

Comment as-tu réagi lorsque Le Panda à cesser de mettre à jour Panda Pixela, site qui était la seule vitrine de tes oeuvres à l’époque ?

Tout d’abord, j’ai continué à lui envoyer des oeuvres. Il faut dire qu’au départ il devait juste partir deux semaines en vacances ou un truc comme ça, donc je continuais à lui envoyer des oeuvres en espérant que le site reprenne bientôt. Au bout de quelques semaines je me suis rendu à l’évidence que ce ne serait pas le cas. J’étais assez peiné, car je ne savais pas où publier mes oeuvres sans Panda Pixela, et je m’étais attaché à cette forme d’expression. En tous cas cela sonna le glas de ma première période de Pixel Art Obscur, de juin à septembre 2006.

 

Qu’est-ce qui t’a poussé à publier tes oeuvres sur ton propre site près de 2 ans plus tard ?

C’est totalement fortuit. J’avais un site web, je me suis dit, pourquoi ne pas héberger une page sur le Pixel Art Obscur. J’ai crée quelques nouvelles oeuvres à cette occasion.

 

Pourquoi avoir attendu tout ce temps pour créer de nouvelles oeuvres ?

Je ne sais pas. Peut-être que sans le coté ludique qu’il y a à publier/voir publiées ses oeuvres, j’étais moins motivé.

 

Il y a maintenant six artistes1 qui possèdent leur propre galerie sur ton site, comment les as-tu convaincu d’héberger leurs oeuvres ?

Pour Timmy O’Toole, je lui ai montré mon travail, et elle s’est dit « Je peux le faire aussi ». Quand elle m’a montré ses oeuvres je lui ai simplement demandé si je pouvais les mettre sur mon site et elle a accepté. Pour Le morse des mers, je l’ai tanné pendant des semaines voire des mois en lui envoyant des mails pour lui dire toutes les visites que j’avais sur mon site. Il m’a finalement envoyé ses oeuvres. Pour Discobilly, je faisais de la propagande pour le Pixel Art Obscur en lui montrant les oeuvres du site. A l’époque il travaillait sur des détourages vectoriels des peintures de Lascaux et j’essayais de l’inciter à rejoindre le mouvement. Quand il a décidé de s’y mettre, c’est tous naturellement qu’il a publié ses travaux sur le site. Je faisais également pas mal de propagande auprès de Flure car je croyais que Le rat d’eau de la Méduse n’était en ligne nulle part (alors qu’il etait bel et bien sur le site Panda Pixela), je voulais qu’il le publie sur mon site. Finalement Kiwigirlsclub (qu’il avait initié au PAO) s’y est mise elle aussi, je lui ai demandé si je pouvais publier ses oeuvres et elle a accepté, et Flure a publié de nouvelles oeuvres sur mon site à son tour.

 
Que penses-tu du style et de l’oeuvre de chacun des artistes de ton site ?

Timmy O’Toole a un vrai sens de la mise en scène. Son style est relativement épuré, c’est une artiste dont je me sent proche. Le morse des mers est une figure emblèmatique de la scène du PAO, j’aime bien le coté travaillé de son style, d’ailleurs j’ai repris un de ses personnage dans l’une de mes oeuvres. Discobilly est un cas à part dans le domaine du Pixel Art Obscur. Je trouve que son coté innovant est important pour le mouvement. Kiwigirlsclub a un style soigné qui je pense, puise aux racines du mouvement sur Panda Pixela. Flure est un artiste que j’apprécie pour le choix de ses sujets.

 

Parlons de ton travail, il existe une rétrospective vidéo dans laquelle tu commentes chacune de tes oeuvres. Qu’est-ce qui t’a poussé à faire cette vidéo ?

Et bien, j’essaie toujours de faire de mon mieux pour faire la propagande du Pixel Art Obscur. Faire cette vidéo était un bon moyen de faire connaitre mon travail et le mouvement.

 

 

Dans cette rétrospective, tu racontes la genèse de tes compositions et tu expliques les raisons qui t’ont poussé à créer ces oeuvres. Ne penses-tu pas que tu brises la magie en facilitant à tel point l’interprétation de tes créations graphiques ?

Je sais que ça peut paraitre bizarre de démystifier ainsi le travail d’artiste, mais c’est dans le but de démocratiser la pratique.

 

Comptes-tu diffuser massivement l’intégrale de cette rétrospective (DVD promotionnel ou sites vidéo comme Youtube, Dailymotion,… ) ?

Youtube et Dailymotion ne permettent pas d’uploader des vidéos de grande taille lorsqu’on dispose d’une bande passante aussi réduite que la mienne. Je compte donc m’en tenir a diffuser l’intégrale sur Bittorent et le teaser sur Dailymotion2.

 

 

Revenons sur ton oeuvre. On peut y constater divers thèmes ou éléments récurrents. Pour commencer tes scènes sont souvent représentées l’été (en témoignent le soleil et le ciel bleu dégagé qu’on retrouve souvent d’un dessin à l’autre), est-ce une période de l’année qui te tient vraiment à coeur ?

Énormément. L’été est une période que j’affectionne particulièrement. Ce que j’aime dans l’été, entre autre, c’est que l’on peut se promener la nuit, il fait bon.

 

Autre thème récurrent : l’armée. Nombreuses sont tes créations inspirées par ton service militaire. En quoi cette période de ta vie a été marquante ?

Oula ! En tant que l’un des derniers appelés, je peut témoigner sur ce que fut cet institution qu’est le service militaire, qui mets en contact des personnes qui n’y ont absolument pas été préparées avec la vie militaire. La vie militaire, c’est une rupture quasi-totale avec le mode de vie courant, ça implique de se lever tôt, de se raser tous les jours, de saluer les gens qu’on rencontre (lesquels arborent des pictogrammes permettant de les classer dans la hiérarchie) selon leur grade. Et donc, cet rupture m’a marqué, c’est pourquoi j’ai ressenti plus tard, et pendant quelques temps, le besoin d’exorciser cette période au travers du PAO. C’est une source d’inspiration à laquelle je reviens de temps en temps

 

Tu es l’auteur de la bande dessinée « Plan 9 From Communistes Verts Extra-terrestres From Outer Space » que tu as conçue bien avant ton service militaire. Pourtant tu y dessinais déjà de nombreux soldats et l’armée y avait une place importante. As-tu une fascination pour ce corps de métier ?

A l’époque ou je dessinais le Plan 9 j’étais plongé dans l’ambiance de films comme « Full Metal Jacket » ou « Apocalypse Now » je pense que cette influence a beaucoup joué. C’est vrai que l’armée et son esthétique ne sont pas inintéressantes à mes yeux.

 

Parle-nous de ta technique de remplissage avec des carrés dont tu revendiques la paternité (nous la baptiseront technique shangri-l si tu n’y vois pas d’inconvénient). En quoi consiste-t-elle précisément ?

Il faut utiliser, soit l’outil de selection ‘carrée’, soit le traçage de carrés directement, pour représenter la scène sous forme de gros meta-pixels.


Le rendu est vraiment surprenant, pourquoi ne l’avoir utilisée que sur deux oeuvres (Sans Issue et Belfort La Nuit Sous La Pluie ) ?

Je pense que c’est parce que j’utilisais cette technique dans une période où j’expérimentait beaucoup. Avec le temps, j’expérimente moins et j’utilise moins cette technique.

 

La technique shangri-l est-elle libre d’utilisation ?

Absolument, cependant je dois ajouter qu’en tant que grand-maitre de cette technique, je n’ai ou n’ai eu de disciples officiels.

 

Tu t’amuses beaucoup à représenter ton entourage ou toi-même dans tes oeuvres. Rares sont les fois où tu utilises un personnage fictif (en dehors des oeuvres reprenant les personnages des bases Panda Pixela). Pourquoi ce besoin d’impliquer tes proches ?

Haha, excellente question. Je pense que ça répond à un besoin de mettre ma vie en scène, comme si j’avais besoin de cela pour apréhender la réalité.

 

Pourquoi représentes-tu systématiquement Le morse des mers avec un verre de vin à la main ?

C’est une association d’idée. Le morse des mers > Punk rock > Straight Edge > Alcool.

 

Ta rétrospective parle d’elle-même, c’est pourquoi je ne vais revenir que sur quatre oeuvres clés. Pour commencer, à propos de Sans Issue, pourquoi être parti de Le Che était un beauf plutôt que d’une page blanche puisque au final il ne reste que les contours de l’oeuvre originale ?

C’est une technique que j’expérimentais et que j’appellerais le Pixel Art Obscur sampling. Ça consiste en ceci : prendre une oeuvre plus grande et l’utiliser comme cadre. Je pense que je suis le seul à l’utiliser.

 

John Lennon, Été, Tassin est une uchronie saisissante ! Penses-tu que Lennon serait encore vivant s’il avait séjourné à Tassin La Demi-Lune durant l’été 1980 ?

Je ne sais pas. Ce que je peux dire, c’est que s’il avait séjourné à Tassin en décembre 1980 Mark Chapman ne l’aurait probablement pas abattu là-bas.

 

Peux-tu expliquer le rapport entre le contenu et le titre de l’oeuvre Cinq ?

Ben, je voulais un titre qui n’est absolument aucun rapport avec l’oeuvre. J’ai pensé à un chiffre, et voilà.

 

En Attendant Que Le Temps Passe est ton oeuvre la plus personnelle. Pourquoi te dévoiler autant à ton public à travers cette cafetière à moitié pleine (ou à moitié vide) ?

Comme je le disais tout à l’heure, cela vient probablement d’un certain besoin que j’éprouvre de mettre ma vie en scène.

 

A présent, parlons de tes deux dernières oeuvres, ne figurant pas sur ta rétrospective3. Monochrome II est assez avant-gardiste, comment as-tu réfléchis aux nuances de ce monochrome ? N’as-tu pas peur de t’attirer les foudres des puristes de cet exercice ?

Il fallait bien que quelqu’un le fasse un jour. En fait, ne le répète à personne mais j’avais besoin d’une nouvelle oeuvre en urgence pour tester un truc sur le site. Donc j’ai crée rapidement cette oeuvre.

 

T’es-tu inspiré de l’oeuvre Tout du Panda, publiée sur Panda Pixela ?

Non, Tout ne m’est pas du tout venu à l’esprit lorsque j’ai crée ce monochrome.

 

Dans Activités Ordinaires, pour la première fois, tu ne te mets pas en scène à l’extérieur. Es-tu devenu casanier avec le temps ? Tu t’es représenté travaillant sur un ordinateur, es-tu censé faire quelque chose en rapport avec le Pixel Art Obscur ? Si c’est le cas, est-ce une sorte de mise en abîme à l’instar de Gaucher s’adonnant au Pixel Art Obscur de la main droite du morse des mers ?

C’est vrai que je suis plus souvent à la maison avec le temps. Mes Activités Ordinaires sont en effet souvent en rapport avec le Pixel Art Obscur. On peut y voir une mise en abîme, c’est sûr.


Le site Panda Pixela fait l’objet d’une réflexion de refonte complète et sera un jour de nouveau opérationnel, quel sentiment t’inspire cette nouvelle ?

C’est énorme. Panda Pixela est la référence en matière de PAO, il expose des oeuvres majeures du mouvement. Si il accueille à nouveau de nouvelle oeuvres cela fera beaucoup pour le rayonnement de la discipline.

 

Les oeuvres présentes sur ton site figureront-elles sur Panda Pixela ?

Les miennes, probablement. Pour les autres, à eux de voir. Ca ne m’étonnerait pas que Le morse des mers les y publie…

 

Quel regard as-tu sur le Pixel Art en général ? Penses-tu que le Pixel Art Obscur soit un sous-mouvement du Pixel Art ?

Le Pixel Art, pour moi, c’est quelque chose que je connais mal. Mais je dois dire que le Pixel Art Obscur demande beaucoup moins de travail. Je pense que les puristes du Pixel Art n’aimerait pas voir le Pixel Art Obscur assimilé à du Pixel Art.

 

Il y a quelques temps, tu as présenté le Pixel Art Obscur sur un forum Pixel Art très fréquenté. Quelles ont été les réactions des pixel-artistes ?

Il y a eu trois types de réactions : ceux que ça a amusé, ceux qui ont dit « c’est pas mon truc mais c’est quand même du boulot », et ceux qui ont dit « c’est honteux de se moquer des Pixel-Artistes qui passent des heures sur leur travail ».

 

Enfin parle-nous de tes activités annexes. Tu bois beaucoup de café, quelle est ta marque préférée ? As-tu une recette particulière pour le préparer ?

Je n’ai pas de marque favorite. Pour le préparer, j’utilise une cafetière électrique, ou de l’instantané et un micro-onde.

 

Tu es un artiste complet, tu es également musicien. Peut-on en savoir plus sur tes groupes Gorbie’s Stuff et Still Living Creature ?

Gorbie’s Stuff est un groupe noisy du tournant des années 2000, où je chante et je joue de la basse. Still Living Creature est mon projet de house alternative, qui m’occupe depuis octobre 2007. Plus récemment, je fais aussi partie du duo rock The Kuang. Et sinon j’ai fait partie du groupe rock Beatles II4.

 

Peux-tu nous en dire plus sur tes oeuvres hors Pixel Art Obscur que tu héberges également sur ton site ?

Boh, pas grand chose… Quelques peintures, des ready-mades, quelques bouquins, des liens vers ma musique… Vous trouverez l’intégrale de Still Living Creature sur le site… Et la chanson5 de The Kuang, des liens vers les chansons de Beatles II, Gorbie’s Stuff, et Sultor Nacle 6.

 

Quels sont tes influences tous domaines confondus (musique, littérature, cinéma, peinture, sculpture, poterie, etc.) ? Tes oeuvres Pixel Art Obscur sont-elles marquées par tes goûts personnels ?

Je dirais, la SF, Dick, Gibson, euh, Jack Kerouac, William Burroughs Junior, coté musique, les Clash, les Pixies, Leonard Cohen, Hüsker Dü, The Lords Of The New Church…Les films de Schwarzenegger, « Brazil », « Pump Up The Volume », « Full Metal Jacket », « Apocalypse Now »… Si cela transparait dans mes créations de PAO ? Plus ou moins, je suppose.

 

Pour terminer, éloignons-nous du Pixel Art Obscur et parlons d’un de tes anciens travail. Nous avons évoqué tout à l’heure ta bande dessinée « Plan 9 From Communistes Verts Extra-terrestres From Outer Space » dont la dernière planche a été perdue (la 24 comme la surnomme les fans). As-tu espoir de remettre la main dessus un jour ? Si non, te sens-tu le courage de la réécrire ?

Je l’ai cherchée un moment mais je ne l’ai pas trouvée. Je ne m’en souviens pas assez pour pouvoir la réécrire…

 

Propos recueillis par Le morse des mers

 

Annotations :

  1. Le nombre d’artistes s’élève aujourd’hui à dix.
  2. Cette retrospective est depuis disponible en téléchargement gratuit sur Lulu.com.
  3. Plus d’une trentaine de nouvelles oeuvres ont été publiées par Shangri-l depuis cet entretien.
  4. Depuis cet entretien, Shangri-l a publié Dob Beizy, un album solo rock accoustique.
  5. Un mini-album contenant cinq titres a vu le jour depuis.
  6. Ce dernier n’est pas répertorié dans la nouvelle version du site car le label ZC Virtual Netlabel, autrefois hebergé sur Zircanews, possède désormais son propre site.

 

 

 

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