Interview du Panda
par Le morse des mers
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Interview réalisée le 29/12/2008
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Dernières annotations le 28/07/2010
Le Panda, père fondateur du Pixel Art Obscur, nous fait l’honneur de répondre à nos questions à travers lesquelles il revient notamment sur la génèse du mouvement et la création de son site Panda Pixela, première vitrine du Pixel Art Obscur…
Comment est né le mouvement Pixel Art Obscur ?
Le Pixel Art Obscur est né un soir – je crois, oui, que c’était un soir – d’un mois de l’année dont je ne me souviens plus vraiment. Ce fameux peut-être soir là, je discutais avec ma compagne (qui se trouve être également webmestre du site Terra Pixela, blogzine français de référence sur le Pixel Art), du graphisme, et plus précisément, du pixel art traditionnel. Pour plaisanter, après avoir regardé ses créations, je lui ai lancé sur un air de défi : « Moi aussi je peux le faire ! ». Quelques images, quelques mots et, globalement, quelques dizaines de minutes plus tard, Panda Pixela était en ligne et le PAO dans son couffin, prêt à conquérir une partie du monde située, de façon assez indéterminée, entre « Pas du tout d’amateurs » et » Étonnamment beaucoup d’amateurs ».
Existe-t-il une appellation particulière pour les artistes adeptes du PAO ?
J’utilisais, sur Panda Pixela, le terme de pixel artist obscur. Libre à qui veut de l’utiliser également. Finalement, c’est surtout ce que ce nom représente qui prime : une envie assumée de s’exprimer par le dessin sans se soucier, ni des canons de l’esthétique, ni de la pédanterie des connoisseurs.
Pourquoi le site Panda Pixela ?
Parce que c’est rigolo. Voilà. Je crois que ça pourrait presque s’arrêter là. C’est rigolo. Si je voulais développer, je pourrais dire que c’est rigolo et qu’en plus, c’est sacrément créatif, mine de rien. Avec Panda Pixela, l’idée était d’ouvrir une fenêtre sur le possible en permettant à n’importe qui de créer sans exigence, ni de compétence, ni de qualité. Ce qui est intéressant, c’est que Panda Pixela a permis de promouvoir une attitude artistique qui peut finalement s’appliquer à n’importe quelle forme d’expression artistique. Vous aimez danser ? Alors dansez ! Peu importe que vos mouvements soient gauches ou que le rythme vous fasse défaut. Vous avez une émotion ou un message à communiquer. Pourquoi devriez-vous vous en priver au nom de l’esthétique ? Tombons les baillons et exprimons-nous sans retenue !
Peux-tu nous parler du contenu du site ?
Panda Pixela a, dès l’origine, été pensé comme un site à la fois personnel et communautaire. Ainsi, il était possible d’y trouver mes oeuvres mais également celles des internautes qui s’essayaient au Pixel Art Obscur. Qu’il s’agisse des unes ou des autres, elles étaient triées par galeries en fonction de la base (une sorte de canevas) utilisée par l’artiste. En plus de cela, Panda Pixela proposait trois autres galeries : une galerie de créations indépendantes, soient des oeuvres libres qui n’étaient réalisées à partir d’aucune base, Monochrome, une galerie à la fois riche, complexe et parfois, je l’admets, légèrement hermétique et Les yeux fermés, dans laquelle se trouvaient des oeuvres réalisées sans les yeux. C’est amusant, car je viens justement de terminer une oeuvre pour cette dernière section, intitulée La bataille de Nagashino (une célèbre bataille de l’histoire du Japon). En outre, le site proposait également un tutoriel permettant d’appréhender plus facilement le Pixel Art Obscur, et ce en expliquant, étape par étape, la création d’une oeuvre de PAO baptisée Rhinocéros avec joues bien pleines broutant un bonhomme de neige lors d’un combat de catch. Ajoutons à cela une section Adoptions et une autre consacrée aux Gifts, et vous comprendrez qu’à l’exception de l’espace interactif, Panda Pixela avait été conçu en prenant pour modèle les sites de Pixel Art traditionnel.
Le site ne se contente pas de présenter tes galeries, il y a une grosse partie interactive où l’internaute peut envoyer ses propres oeuvres. Ne prends-tu pas le risque de te mettre en concurrence sur ton propre site avec tes « élèves » ?
Je n’ai jamais eu l’intention d’instaurer ce type de relation avec les artistes qui me proposaient leurs oeuvres. Je n’avais pas grand chose à leur apprendre, à proprement parler. L’idée était plus, encore une fois, de proposer une approche du dessin qui fasse passer le message de l’oeuvre avant sa fidélité à une esthétique calibrée jusque dans ses dissidences. Il n’est donc pas question, avec le PAO, de concurrence. Si mes galeries sont séparées de celles des autres artistes présents sur le site, c’est simplement parce que Panda Pixela était, à l’origine, un espace personnel d’exposition. Rien de plus. D’ailleurs, c’est amusant car la prochaine version de Panda Pixela sera nettement plus axée sur ce principe d’interactivité et développera plus avant cette dimension communautaire qui est, je pense, absolument primordial à cette entreprise artistique.
Penses-tu que le succès de Panda Pixela est dû à l’interaction qu’il propose ?
Je pense, oui, et c’est tant mieux ! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Panda Pixela v.2 développera encore davantage cet aspect-ci du site.
D’où est venue l’idée d’imposer des bases pour les oeuvres publiées (bien qu’il y ait une galerie libre) ?
Cela renvoie directement aux pratiques des pixel artists traditionnels qui, sur leurs sites personnels, mettent leurs bases à la disposition de la communauté entière. L’altruisme est un truc que je trouve globalement assez sympa.
Peux-tu nous en dire plus sur le choix de chacune de tes bases ?
J’ai choisi mes bases de façon à ce qu’elles soient des ponts qui facilitent l’accès au PAO à des publics très différents. Cette phrase n’est pas très claire, mais je me plais à écrire avec le même esprit que lorsque je dessine. En gros, je voulais toucher un peu tout le monde : pour les amateurs de base de pixel art traditionnel, il y a Narcisse et ses différents visages (renvoyant aux bases de dolls que les pixel artists connaissent bien) ; pour les amateurs d’art conventionnel, j’ai choisi les bases Arcimboldo et Giacometti, deux artistes qui étaient, tout de même, de sacrés bougres foutrement doués ; comme l’amour est un beau sentiment, j’ai décidé d’exprimer le mien avec la base Terra, et d’inviter ainsi tous les amoureux sur le site ; pour les amateurs de barbes, j’ai opté pour la base Thanos, qui a de la barbe et qui donc, je me suis dit, leur plairait puisqu’ils aiment ça, les barbes, les amateurs de barbes ; pour les amateurs de gens qui s’appellent Sébastien, j’ai choisi la base Sébastien, comme ça, c’était pas mal ; pour les aficionados de la diététique un peu bipolaires, Unpredictable banana ; pour les artistes morts lors d’un barbecue, Ghost and Sausages ; pour les amateurs d’art abstrait mais non ce n’est pas abstrait mais si quand même un peu puisque je te le dis que c’est abstrait ne me dit pas le contraire, la base Le martyre d’Ingres, un peu abstraite, quoi qu’on en dise ; pour les gens qui aiment Dante, Dante ; et enfin, pour les gens humbles et les amateurs de style épurés, la base Base. Voilà. J’avais estimé, sur le moment, qu’avec ça, je touchais les dix principales catégories de personnes à la surface du globe.
Pourquoi le site n’est plus mis à jour depuis le 23 juin 2006 ?
Le site n’est plus mis à jour depuis cette date pour deux raisons. La première, c’est que techniquement, il était pour moi beaucoup trop contraignant de le mettre à jour au quotidien, et la seconde, c’est que le site a rapidement été piraté. Ne maîtrisant que moyennement, et l’euphémisme, et la chose informatique, réparer les dégâts m’aurait pris un temps fou. De plus, cette dernière mésaventure m’avait paru si absurde que je n’avais pas forcément jugé bon de me battre pour relancer la machine. Je pense que j’ai commis deux erreurs à l’époque : ne pas prévenir les visiteurs du coma dans lequel avait été plongé le site, et sous-estimer la sympathie qu’avait suscitée le mouvement. Puis, au fil des semaines, on m’a régulièrement demandé des nouvelles du site, certains m’ont poussé à le relancer, d’autres reparlaient d’oeuvres qui les avaient touchés (comme Vieil homme nu au grand nez, par exemple, qui a vraisemblablement trouvé son public1). À tous, je répondais la même chose : « Seul, je n’y arriverai pas. Je n’entends rien à la programmation. ». Et puis des mains se sont levées et le projet a repris : Terra m’a proposé de retravailler l’ergonomie du site et son design général et Le morse des mers s’est penché sur les problèmes de programmation (base de données et gestion des membres). Au final, le projet avance bon train, et Panda Pixela devrait renaître de ses cendres dans les semaines à venir2 : toujours aussi roots et authentique dans l’intention mais plus ergonomique, plus attrayant, plus riche, bref, plus bien.
Que penses-tu de la communauté du site ZC Virtual Underground Art Gallery qui tâche de faire perdurer le PAO parallèlement à Panda Pixela ?
Je pense que cette communauté n’y est pas pour rien dans la renaissance du site puisqu’elle a contribué à ne pas laisser le PAO sombrer dans l’oubli. J’ai trouvé particulièrement extra que l’idée plaise et que des gens se l’approprient et s’en amusent malgré la disparition du site. Je suis allé voir l’intégralité des oeuvres présentes sur le site, et je dois dire que j’ai été fasciné par la palette de perspectives et de styles qu’offraient à apprécier la clique de Zircanews3. Pour parler un peu des oeuvres, j’ai particulièrement apprécier le superbe John Lennon, Eté, Tassin et l’intrigant Mainate Avec Des Pattes De Girafe Fumant Au Clair De Lune La Nuit de Shangri-l ; le surprenant La Morue du brillant Timmy O’Toole, qui intègre au dessin une technique que j’affectionne tout particulièrement, à savoir le collage ; le dérangeant Que le diable m’enschtroumpf !, de mon indécrottable et talentueux camarade, Le morse des mers ; l’absurde Est-ce que je te demande si ta grand-mère fait du vélociraptor ?, de l’excellent Discobilly ; l’enjôleur mais inquiétant White Ants de la surprenante Kiwigirlsclub, qui m’a littéralement transporté ; et enfin, le bluffant Qui a tué Charlie dans la bibliothèque avec le chandelier ? du tape-au-but, Flure, qui est une véritable petite merveille au niveau sémiotique. À titre personnel, j’espère que le nouveau site plaira à ces talentueux artistes et qu’ils se plairont à en devenir un peu les fers de lance. Dès que Panda Pixela v.2 sera mis en ligne, nous aurons besoin de volontaires pour le faire vivre et en faire la promotion. Un grand coup de chapeau, en tous les cas, à tous les dessinateurs de Zircanews3 et un salut tout particulier à un certain Shangri-l pour tout le travail fourni.
Les pixel artists considèrent souvent le PAO comme un art mineur et puéril (exemple de réaction : « ouais je faisais ça quand j’avais 6 ans »), qu’aimerais-tu leur dire ?
J’aimerais leur dire que lorsqu’ils disent avoir produit ce genre d’oeuvres lorsqu’ils avaient 6 ans, ils ont probablement raison, et que c’est tant mieux. Les enfants ont des choses à dire et, lorsqu’ils dessinent, les transmettent sous forme de dessins sans aucune retenue. Au final, c’est en grandissant que l’enfant va se dire que papa ne ressemble pas tant que ça à un bonhomme bâton au sourire figé de clown schizophrène, ni maman à un haricot sec coiffé d’une perruque en gribouillions, et va se censurer pour finalement laisser mourir son dessin et, au-delà de lui, son message. L’idée du PAO est justement de demeurer en permanence dans cet état d’insouciance qui nous protège du silence. En ce qui concerne cette histoire d’art mineur, il faut tout de même remettre les choses à leur place : le Pixel Art Obscur n’est pas un art à part entière mais plutôt une sorte d’expression zen et primordiale du graphisme. L’envie nous prend de dessiner un bonhomme, une maison, une scène confuse de bacchanale endiablée et, sans autocensure, nous y cédons. Le PAO n’a rien de moqueur, et les pixel artists obscurs, par essence, ne créent pas dans le but de singer les artistes traditionnels. Une oeuvre de PAO peut-être parodique ou engagée, mais cette orientation n’est jamais induite, ni par la nature essentielle du mouvement, ni par son intention première.
A quand le retour des mises à jour sur Panda Pixela ?
Mieux que des mises à jour, Panda Pixela va revenir sur la toile dans quelques semaines2. Si le design du site était minimaliste, il n’était pas dans mon intention première de fournir un site qui soit également minimaliste au niveau de la programmation. Panda Pixela était extrêmement pénible à mettre à jour et son ergonomie mal étudiée rendait la navigation relativement fastidieuse. Avec Panda Pixela v.2, l’idée est de proposer un site qui, s’il restera minimaliste au niveau visuel, sera nettement plus ergonomique et plus facile à mettre à jour. L’objectif est double : pour moi, d’avoir un site plus facilement gérable au quotidien ; pour les visiteurs et contributeurs (moi y compris), d’avoir accès à un site communautaire dans la veine, par exemple, d’un Deviant Art, avec des possibilité de commentaires, de favoris, et de galeries par membre.
Enfin, 2 ans et demi plus tard4, peux-t-on connaître en exclusivité les gagnants aux deux concours Géricault n’avait rien compris et C’est la saucisse qui a fait le coup ?
Malheureusement, ils n’ont pas encore été choisis ! Le jury, dont je ne fais pas partie, est prêt, et j’annoncerai les résultats dès que Panda Pixela v.2 sera en ligne ! Stay tuned !
Propos recueillis par Le morse des mers
Annotations :
- Cette oeuvre est également l’une des plus consultée sur ZC Virtual Underground Art Gallery.
- En projet au moment de l’entretien, le développement de la version 2 de Panda Pixela est depuis en standby. En attendant la reprise du projet, Le Panda a décidé de publier l’intégralité de ces oeuvres sur ZC Virtual Underground Art Gallery et ainsi faire l’honneur d’intégrer notre communauté d’artistes.
- Ancien nom de ZC Virtual Underground Art Gallery.
- 2 ans et demi au moment de la réalisation de l’interview mais 4 ans au moment de la publication de cette dernière.
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